Thierry Vignal, un nom qui résonne dans l'univers entrepreneurial français, incarne parfaitement le parcours tumultueux de nombreux entrepreneurs de la French Tech. Son histoire, marquée par des réussites fulgurantes et des échecs retentissants, nous offre une leçon précieuse sur les défis et les réalités de l'entrepreneuriat moderne.
Une carrière financière mouvementée
Avant de se lancer dans l'aventure entrepreneuriale, Thierry a connu les hauts et les bas du monde de la finance. Après des études de commerce, il a travaillé comme trader à HSBC à Londres. Cette expérience lui a permis d'accumuler une somme conséquente, qu'il a ensuite perdue en essayant de trader pour son propre compte. Cette période difficile l'a contraint à revenir à Paris, sans le sou, vivant grâce au RSA.
La genèse de Masteos
C'est dans cette période de désœuvrement qu'il rejoint Bivouak, une start-up dans le secteur de l'immobilier. Cette expérience lui permet de rencontrer Maxime, son futur associé, avec qui il décide de lancer Masteos en 2019. L'idée derrière Masteos est simple mais ambitieuse : faciliter l'investissement locatif pour les particuliers en prenant en charge toutes les étapes, de l'achat à la gestion locative.
Une ascension fulgurante
Les débuts de Masteos se font dans des conditions précaires, avec des bureaux improvisés dans un bar parisien. Pourtant, grâce à une énergie débordante et un storytelling captivant, la start-up connaît une croissance rapide. En trois ans, Masteos réalise 1 600 transactions dans 180 villes et trois pays, et lève 64 millions d'euros, atteignant une valorisation de 150 millions d'euros début 2023.
La crise de l'immobilier et du capital-risque
Cependant, cette croissance rapide s'avère être un piège. En 2023, la société est placée en redressement judiciaire. Thierry reconnaît avoir commis des erreurs, notamment en allant trop vite et en jouant au jeu du Venture Capital (VC) dans un secteur qui ne s'y prêtait pas. Il compare la levée de fonds à la prise de stéroïdes en musculation : un raccourci qui finit par détruire l'organisme. Masteos n'a pas survécu aux crises de l'immobilier et du financement, deux secteurs dont elle dépendait fortement.
Thierry explique : "Nous avons subi de plein fouet la crise de l’immobilier qui a atteint son paroxysme au dernier trimestre 2023. Le marché de l’immobilier est à l’arrêt, les études de notaires partent en redressement les unes après les autres et nous sommes la première proptech à les rejoindre. En parallèle, on assiste à une véritable crise du VC. Quand on se situe à la rencontre de ces deux mondes, comme Masteos, cela peut se terminer en redressement judiciaire."
Les leçons tirées de l'échec
Thierry Vignal ne se cache pas de ses erreurs. Il parle ouvertement de ses dettes, des difficultés rencontrées et de la nécessité de rebondir. Pour lui, l'échec est une étape d'apprentissage et de croissance personnelle. Il souligne l'importance de l'énergie, du storytelling et de la clarté des intentions dans le succès d'un projet entrepreneurial.
Il admet : "Lever des fonds, c’est comme prendre des stéroïdes en musculation. Ça permet de gonfler rapidement, mais ça peut aussi détruire de l'intérieur. J’ai parfois levé de l’argent plus par vanité que par rationalité. Nous avions presque 400 salariés au plus haut, nous n’avons pas eu le temps de restructurer à la même vitesse que celle à laquelle le marché dégringolait. Dans notre secteur, ceux qui n’ont pas levé, ont une meilleure structure de coûts et probablement plus de chances de survivre."
Une relation complexe avec les investisseurs
La relation entre les fondateurs de Masteos et leurs investisseurs s'est tendue à mesure que les difficultés financières s'accumulaient. "Aujourd’hui, nous ne sommes plus que deux des quatre fondateurs au capital, et nous avons 30% des parts. La relation se tend un peu, chacun recherche la responsabilité, essaye de se couvrir, car il va y avoir un coupable désigné par les actionnaires, les clients et même la presse. La question est de savoir qui est le coupable, et même si on décide que c’est celui qui dirige, dans les faits, il est difficile de savoir qui dirige."
Vers de nouveaux horizons
Alors que Masteos cherche un repreneur, Thierry réfléchit déjà à ses futurs projets. Il est déterminé à lancer un nouveau projet rentable dès le départ, en tirant les leçons de ses expériences passées. Il envisage des projets moins dépendants du Venture Capital, plus streamlinés et axés sur la rentabilité immédiate.
Thierry reste optimiste : "Je souhaite m’inscrire dans un projet de reprise. En théorie, les anciens actionnaires n’ont juridiquement pas le droit d’être actionnaires de la structure qui reprend, car cela pourrait s’apparenter à une tactique d’effacement de la dette, mais dans certains cas, des dérogations peuvent être demandées au juge. Mon implication dépendra surtout du projet du repreneur, de sa vision, de la manière dont il pourra m’incentiver."
Conclusion
Thierry Vignal incarne l'entrepreneur moderne, capable de connaître des sommets fulgurants et des chutes brutales, mais toujours prêt à se relever. Son parcours nous rappelle que l'entrepreneuriat est une aventure faite de risques, d'apprentissages et de résilience. Dans un monde où l'échec est souvent stigmatisé, Thierry nous montre qu'il peut être une formidable source de sagesse et de croissance.