Pour Lakna, la musique est avant tout une affaire de famille. Imprégnée de cet univers depuis toute petite, la jeune chanteuse originaire de Suisse a choisi de reprendre les rênes de cette tradition et nous offre un subtil mélange de soul, de pop et de R&B. Son nouveau projet UTC-0 sort ce vendredi et résonne déjà comme une ode à l’acceptation de soi ! Rencontre avec ce talent que rien n’arrête.
Tu es issue d’une famille de musiciens burkinabè, où ton père excelle en tant que Griot. Au-delà de la passion transmise, la musique était-elle pour toi une vocation évidente ?
C’était une évidence, mais il y a quand même eu un moment où j’ai envisagé de faire avocate (haha). J’ai même commencé des études universitaires, mais la musique a toujours fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance et elle a grignoté une place très importante, mais d’un point de vue positif !
T’ont-ils donné des conseils pour mieux appréhender la profession ? Actuellement, quel rôle jouent-ils dans ta carrière ?
Il n’y a pas eu de discussion sur le fait que “être artiste, c’est dur ou c’est bien”, parce que notre relation à l’art est très spirituelle, donc on ne le perçoit pas réellement comme un métier. Oui, c’est une profession, mais c’est quelque chose qui occupe une place centrale et c’est normal. J’ai un lien très intime avec la musique et c’est vrai que je ne sollicite pas vraiment l’avis des gens, ni celui de mon père, ni celui de ma mère. Je montre un produit fini et j’observe la réaction. On ne peut pas créer quelque chose qui nous ressemble vraiment si on demande trop l’avis des autres.
Quels sont les artistes musicaux qui ont bercé ton enfance ?
Franchement, j’ai écouté de tout. J’ai beaucoup écouté de soul, notamment Donny Hathaway et Jazmine Sullivan. J’ai également écouté Fatoumata Diawara, c’est une chanteuse malienne, Pauline Croze… Beaucoup de Diam’s ! C’était vraiment un mélange d’influences…
Cover de l’album Tsunami
Penses-tu que la détermination, incarnée notamment par les artistes comme Makala, Danitsa, Slimka, soit une qualité clé en Suisse pour surpasser les frontières et se démarquer au sein de la scène francophone ? As-tu le sentiment de devoir travailler deux fois plus que les artistes français pour résonner davantage ?
Je pense que l’on doit travailler beaucoup plus, parce que l’on est pas dans la partie la plus importante de la Suisse. La plus grande partie est la Suisse allemande. D’un point de vue culturel, il faut se battre, il faut avoir envie de sacrifier beaucoup de choses et je pense que c’est quelque chose que l’on a en commun, nous les Suisses. Moi, je suis plus jeune que tous ces artistes donc ce sont vraiment mes grands, c’est un peu nos fer-de-lance ! Vu que nous avons plusieurs langues, notre culture musicale peut sembler très ricaine, avec des influences françaises, mais aussi berlinoises. C’est pour ça que ça donne ce truc où on se dit que les Suisses font de la musique un peu cheloue (haha) !
Dans plusieurs de tes titres, tu parles de santé mentale. Est-ce important pour toi que les auditeur.ices se retrouvent dans les mots que tu poses ?
J’écris des sons qui parlent de ma propre expérience et je pense que, plus tu es proche de ce que tu vis, plus ça peut résonner avec d’autres expériences, mais je ne cherche pas à ce que ça parle à une personne en particulier. Je crée de la musique qui me fait du bien et qui me permet de guérir. Si ça résonne, c’est cool, mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave.
UTC- 0 est le nom de ton projet qui sort très prochainement. Peux-tu nous en dire plus sur ce nouvel opus ?
C’est un projet que j’ai fait à Marseille avec un producteur qui s’appelle Fred, il est membre du groupe Labo Klandestino. À cette période, ce qui me touchait le plus était tout ce qui était lié à mon métissage, à la perception des gens lorsque l’on appartient à des cases, donc j’ai vraiment voulu écrire sur ça. J’ai nommé le projet UTC-0 en référence au fuseau horaire du Burkina-Faso. Par la suite, je vais faire un EP en réponse à UTC-0, intitulé GMT+1, qui est le fuseau horaire de la Suisse. J’avais vraiment envie d’arriver avec un son très organique, quelque chose de très musical, parce que j’ai ce kiff de la musique live. J’adore les concerts et je trouve que c’est important d’être avec des musiciens. Moi-même, j’ai pris des cours de jazz, de théorie musicale, etc… Je veux vraiment venir avec quelque chose de soul et venir le contraster avec quelque chose d’opposé dans le prochain projet.
La musique t’a-t-elle aidée à forger ta propre identité ?
Je pense que oui, la musique m’a beaucoup aidée, parce que je vois en ce moment que ça va beaucoup mieux. Le fait d’assumer mon métissage, de ne pas pencher d’un côté et d'avoir une culture vraiment mixte. Je suis vraiment en lien avec ma famille du Burkina-Faso, donc je ne me sens pas trop déracinée par rapport à ça. Assumer aussi que parfois il y a des choses dont je ne suis pas au courant, aussi bien du côté de ma culture noire que blanche… Ça me fait du bien de juste être dans l’authenticité.
Si tu devais choisir entre la scène et le studio, que choisirais-tu ?
Avant je t’aurais toujours dis la scène parce que j’ai toujours voulu faire de la musique pour être sur scène, mais en ce moment, j’ai trop envie d’aller en studio ! Donc je vais te dire 50/50.
Tes visuels sont toujours très soignés et réfléchis. De quelle manière collabores-tu avec les équipes créatives pour traduire visuellement l’essence de ta musique et quelle importance attribues-tu à l’esthétique dans la représentation de ton art ?
Je travaille toujours avec la même personne, c’est Luca Perrin. Il réalise tous mes clips et c’est vraiment devenu mon meilleur pote à force de travailler avec lui. Pour moi, c’est important que ce soit vraiment léché. J’adore sa manière de filmer parce qu’il y a cette touche très vintage que j’aime bien. Je suis aussi dans la réalisation, je vais venir avec des idées, je fais des moodboards, on en parle... On fait un peu des ping-pongs d’idées et j’adore ça. Je trouve ça trop bien de travailler avec d’autres créatifs.
Quel est le message que tu as envie de transmettre à travers ta musique ?
Je parle de ma vie et c’est vrai qu’elle peut être un peu spéciale : mon père chante dans la rue, mon copain est un influenceur trans-activiste, c’est vrai qu’elle est un peu inhabituelle, mais c’est ma norme. Je vis vraiment beaucoup de choses et je pense qu’avoir une vision un peu plus globale que quelqu’un de sédentaire, peut créer des liens. Ce n'est même pas une volonté, mais je remarque qu’il y a vraiment une diversité dans mes concerts et j’adore ça. J’espère que cette communauté va grandir et que ça va continuer.
Avec quel artiste rêverais-tu de partager un morceau ?
J’aimerais trop faire un truc avec Mathieu Chedid (haha) ! Je ne l’écoute pas beaucoup mais je le sens ! C’est un fou, j’aime trop les fous. Sinon, Disiz... Mais je pense vraiment que je ferais un bon duo avec M (haha) !
Le son que tu écoutes en boucle en ce moment et que l’on doit absolument streamer ?
En ce moment, j’écoute beaucoup l’album de Rounhaa. Si je ne devais choisir qu’un titre, ce serait MOOD 0, vraiment, je le saigne !
Merci beaucoup Lakna pour ce moment, on a hâte d’écouter UTC-0 ! En attendant, vous pouvez toujours suivre son actualité sur son Instagram (itslordlakna) et écouter Sans Écran, son dernier single en featuring avec Malcolm :
Écrit par Camille Noel Djaleb