Dans l'univers impétueux du rap français, certains artistes se distinguent par une trajectoire artistique aussi riche que singulière. Parmi eux, Oldpee, membre emblématique du groupe 13 Block, se révèle comme une figure incontournable. Originaire de Sevran, une pépinière de talents dans le 93, Oldpee incarne à lui seul le mélange vibrant de cultures et d'influences qui caractérise la banlieue parisienne. De ses racines congolaises et martiniquaises à ses premiers pas dans le rap avec le 93Gang, Oldpee a toujours su canaliser son environnement et son vécu pour forger un style qui lui est propre. Avec la sortie de sa mixtape très attendue "Je m'appelle Sidi", Oldpee s'apprête à marquer un nouveau chapitre de sa carrière, consolidant ainsi son statut d'artiste solo tout en restant fidèle à ses origines et à son groupe iconique.
Cet interview plonge dans l'univers d'Oldpee, explorant son parcours, ses inspirations et sa vision artistique, qui le distinguent comme l'un des acteurs les plus passionnants de la scène rap actuelle.
Oldpee, raconte-nous un peu comment t'as commencé dans le rap. Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans cette voie ?
Ma passion pour le rap a commencé très tôt, dès mon enfance aux Beaudottes. J'ai commencé à m'investir dans la musique dès l'âge de 16 ans, échangeant des idées avec Stavo et ZeFor. Mon parcours est un pur produit de mon environnement, de mes racines congolaises et martiniquaises.
Mon intérêt pour la musique a vraiment pris forme lorsque j'ai formé le 93Gang avec Stavo au début des années 2010. On a commencé par un duo avant de rejoindre 13 Block vers 2014. C'est cette période qui a défini mon style, mélangeant le vécu de Sevran avec une sonorité trap d’Atlanta. L'expérience avec 13 Block, notamment avec des projets comme 'XIII' et 'V.U.E - Violence Urbaine Émeute', a vraiment solidifié ma passion pour la musique et m'a donné l'élan pour poursuivre cette voie.
Lorsque l'album 'TRIPLE S' est sorti, ça a été un réel tournant pour moi. C'est là que j'ai vraiment commencé à comprendre l'impact et la puissance de la musique, et comment je pouvais l'utiliser pour partager mes expériences ainsi que mes pensées.
Sevran est un véritable vivier de talents dans le rap français. Comment vois-tu ton rôle et ton influence au sein de cette scène ? Y a-t-il des artistes émergents de Sevran que tu aimerais mettre en avant ?
Sevran, c'est une source inépuisable de talents et d'inspiration.
Je ne me vois pas comme ayant un rôle de leader ou quoi que ce soit, mais plutôt comme un membre actif de cette communauté artistique.
Mon but, c'est de contribuer à cette scène, de partager mes expériences, d'encourager les jeunes talents. La réussite de l'un d'entre nous, c'est une source d'inspiration et de motivation pour tous. Chaque artiste à Sevran a sa propre histoire, son propre style, et c'est cette diversité qui rend notre scène si riche. Il y a tellement de jeunes artistes talentueux ici que j'aimerais voir émerger et réussir. Mon rôle, tel que je le vois, c'est de les soutenir, de les aider à se faire entendre.
Tu as une manière unique de faire de la musique. Peux-tu nous parler de ton processus créatif ? Comment trouves-tu l'inspiration pour tes morceaux ?
Mon processus créatif, c'est un peu comme une alchimie entre spontanéité et réflexion. Je n'ai pas une méthode fixe pour trouver l'inspiration. Souvent, elle vient quand je suis au studio, en écoutant les beats que les producteurs m'envoient. J'aime cette sensation de découvrir un beat et de sentir immédiatement une connexion, une idée qui prend forme.
Je travaille beaucoup avec des producteurs comme Myth Syzer, Hypnotic, et Ikaz Boi. Leur capacité à créer des sons qui résonnent avec ma vision artistique est essentiel. Par exemple, la première fois que j'ai entendu le beat de ”PLACE VENDÔME”, j'ai su tout de suite que je voulais travailler dessus. Il y avait une énergie, une ambiance dans ce beat qui correspondait parfaitement à ce que je voulais exprimer.
En travaillant sur des projets variés, que ce soit avec 13 Block ou en solo, j'ai toujours cherché à rester authentique à mon style. Que ce soit sur des titres comme 'Massacre' ou 'Place Vendôme', ou même sur mes EPs solo 'WSHHH' et 'SDK', j'ai exploré différentes facettes de mon art. La sortie de ma mixtape 'Je m'appelle Sidi' marque un nouveau chapitre, où je consolide mon identité artistique tout en ouvrant la porte à de nouvelles explorations. Mon inspiration vient souvent de la musique elle-même, du beat qui déclenche une idée, une émotion. Travailler avec des beatmakers talentueux comme Hypnotic sur des titres comme 'Fer' m'a permis d'explorer de nouvelles dimensions de mon art. Chaque morceau est un nouveau défi, une nouvelle opportunité de partager une partie de moi avec mon public.
Pour moi, la musique, c'est avant tout une manière de communiquer, de partager des émotions, des expériences. Chaque morceau est une opportunité de raconter une histoire, de transmettre un message. Que ce soit à travers des paroles directes ou des métaphores plus subtiles, j'essaie toujours de faire en sorte que ma musique soit plus qu'une simple série de rimes. Je veux qu'elle résonne avec les gens, qu'elle leur parle d'une manière ou d'une autre.
En fin de compte, ma vision de la musique, c'est de rester fidèle à qui je suis, à ce que je ressens, tout en étant ouvert à l'évolution, à l'expérimentation. C'est de continuer à grandir en tant qu'artiste, à explorer de nouveaux horizons tout en gardant cette authenticité.
Qui sont les artistes ou les genres musicaux qui t'ont le plus influencé ? Est-ce que tu penses que ces influences se reflètent dans ta musique ?
Mes influences sont assez diversifiées. J'ai commencé par écouter beaucoup de rap américain, des légendes comme 2pac, Snoop Dogg, et Dr. Dre. Leur manière de raconter des histoires, leur flow, ça m'a vraiment marqué. Mais je tire aussi beaucoup d'inspiration du rap français. Des artistes comme Sefyu avec ses pistes d'ambiance captivantes, Despo pour son art de la punchline, et Alpha pour sa capacité à mélanger des sonorités plus traditionnelles avec un style moderne. Chacun de ces artistes a influencé ma façon de voir et de faire de la musique.
Ce que j'admire chez ces artistes, c'est leur capacité à rester authentiques.
Aujourd'hui, je continue d'être à l'écoute des nouvelles tendances, de découvrir de nouveaux artistes. Par exemple, j'apprécie beaucoup le travail de Lil Durk. Son approche de la musique, mélangeant mélodie et storytelling, est quelque chose qui me parle.
Avec 13 Block, vous avez carrément révolutionné la trap française. Comment t'as vécu cette aventure ? Qu'est-ce que ça t'a apporté personnellement et artistiquement ?
L'aventure avec 13 Block, c'est une expérience incroyable et honnêtement, c'était un peu comme un tourbillon. On a commencé sans vraiment mesurer l'impact que nous pourrions avoir. On faisait de la musique qui nous plaisait, sans trop penser à révolutionner quoi que ce soit. Mais avec le temps, on a commencé à réaliser qu'on était en train de changer la donne, notamment avec notre approche unique de la trap.
Ce qui a été le plus frappant, c'est de voir comment notre musique a commencé à influencer d'autres artistes. On a vu nos styles, nos flows, nos gimmicks être repris par d'autres, ce qui était à la fois surprenant et extrêmement gratifiant. Ça nous a montré qu'on avait vraiment quelque chose de spécial, quelque chose qui résonnait avec les gens.
Sur le plan personnel, cette expérience avec 13 Block m'a beaucoup apporté. Ça m'a donné confiance en moi et en ma musique. Artistiquement, ça m'a poussé à sortir de ma zone de confort, à expérimenter avec de nouveaux sons, de nouvelles structures. Travailler en groupe, c'est toujours un challenge, mais c'est aussi incroyablement enrichissant. On apprend à écouter, à collaborer, à créer ensemble quelque chose de plus grand que ce qu'on pourrait faire individuellement.
Je me souviens particulièrement du moment où nous avons créé 'fuck le 17'. C'était un de ces moments magiques en studio où tout semble s'aligner parfaitement. L'énergie était là, l'inspiration était là, et en l'espace d'une heure, on avait créé un morceau qui allait marquer notre carrière. C'était une création tellement naturelle, tellement fluide, qu'elle symbolise parfaitement ce que 13 Block représentait pour moi : l'authenticité, la spontanéité et l'innovation.
Parlons de ta mixtape "JE M’APPELLE SIDI". Qu'est-ce qui t'a motivé à choisir ce titre ? Y a-t-il un message particulier derrière ?
"Choisir 'JE M’APPELLE SIDI' comme titre pour ma mixtape, c'était une manière de me reconnecter avec mes racines, mon identité première. Ce titre, c'est comme un retour aux sources, un rappel de qui je suis vraiment, loin de toutes les étiquettes qu'on peut coller à un artiste. C'est un clin d'œil à mon parcours, à l'évolution de ma musique. C'est ma manière de dire que malgré tout le chemin parcouru, je reste fidèle à mes origines, à l'essence de ma passion pour le rap.
Le message derrière cette mixtape, c'est aussi une déclaration d'intention. C'est comme si je disais : 'Voilà, je suis ici, j'ai fait ce chemin, mais je suis toujours prêt à me réinventer, à explorer de nouvelles avenues.' C'est une piqure de rappel, non seulement pour moi-même mais aussi pour mon public, pour montrer que je suis toujours en pleine évolution, toujours passionné.
Cette mixtape, c'est un concentré de tout ce que j'ai vécu, appris et ressenti. C'est une synthèse de mes expériences, de mes collaborations, de mes inspirations. Mais c'est aussi un tremplin pour la suite. C'est un point de départ pour un nouveau chapitre de ma carrière, une carrière en solo où je peux vraiment m'exprimer pleinement, sans retenue.
Je voulais que 'JE M’APPELLE SIDI' soit un projet solide, ancré dans le réel, tout en étant ouvert sur l'avenir. Pour moi, c'était essentiel de poser cette base solide, ces fondations, avant de me lancer dans cette nouvelle aventure en solo. C'est un projet qui me tient particulièrement à cœur parce qu'il représente un nouveau début, un renouveau, tout en restant fidèle à ce que je suis. C'est un peu comme si je me présentais à nouveau à mon public, avec une maturité et une expérience accrues."
Tu as des feats de malade sur cette mixtape. Comment t'as choisi les artistes avec qui collaborer ? Y a-t-il une collaboration qui t'a particulièrement marqué ?
Quand j'ai commencé à travailler sur 'JE M’APPELLE SIDI', j'avais en tête de créer quelque chose de vraiment spécial, pas juste en termes de son, mais aussi en termes de connexions humaines. Le choix des artistes pour les collaborations n'a pas été simple. Je voulais que chaque feat apporte quelque chose d'unique à la mixtape, que chaque artiste ajoute sa touche personnelle tout en restant en harmonie avec l'esprit global du projet.
Collaborer avec Gradur, par exemple, c'était une évidence pour moi. On a une sorte de connexion naturelle, une compréhension mutuelle qui se ressent dans notre musique. Travailler avec lui, c'était fluide, c'était comme si nos styles se complétaient naturellement.
En ce qui concerne ZED, c'est comme si on partageait une même âme artistique. Notre collaboration était tellement organique, c'était comme si on se comprenait sans avoir besoin de parler. Et puis, il y a Freeze Corleone, avec qui j'ai une longue histoire. Collaborer avec lui, c'est toujours un moment fort parce qu'on se connaît depuis nos débuts.
Chaque artiste invité sur cette mixtape a été choisi non seulement pour son talent, mais aussi pour l'alchimie qu'on peut avoir ensemble. C'est important pour moi que les collaborations soient authentiques, qu'elles viennent du cœur. Je ne voulais pas juste des noms pour faire le buzz, je voulais des artistes qui partagent ma vision de la musique, qui comprennent mon parcours.
Ce qui m'a particulièrement marqué dans ces collaborations, c'est la diversité et la richesse qu'elles apportent à la mixtape. Chaque artiste a son univers, son style, et quand on combine tout ça, ça crée quelque chose de vraiment puissant et unique. C'est ça la beauté des collaborations : elles permettent de transcender les frontières artistiques et de créer quelque chose de plus grand que la somme de ses parties.
En fin de compte, 'JE M’APPELLE SIDI' est un projet qui reflète non seulement ma propre évolution en tant qu'artiste mais aussi la richesse et la diversité du paysage musical actuel. C'est une mixtape qui, je l'espère, marquera les esprits non seulement pour sa qualité mais aussi pour la force de ses collaborations.
Comment tu vois l'évolution du rap français actuellement ? Tu penses qu'il y a des changements à venir dans le genre ?
Le rap français est dans une phase très dynamique et excitante. Il y a une vraie diversité de styles, une fusion entre les anciennes et nouvelles écoles. Ce que j'aime, c'est cette ouverture, cette volonté d'expérimenter, de mélanger les genres. Cependant, il y a aussi un risque que l'influence américaine devienne trop prédominante, et c'est important de maintenir notre propre identité, notre propre voix dans le rap.
Je pense que le rap français va continuer à évoluer, à s'adapter. Les artistes d'aujourd'hui ne se limitent pas à un seul style ou genre. Ils sont plus ouverts, plus audacieux dans leurs expérimentations. C'est une bonne chose, car cela pousse tout le monde à innover, à se réinventer.
L'une des clés pour l'avenir du rap français, c'est l'authenticité. Peu importe les influences ou les styles, l'authenticité doit toujours être au cœur de la musique. Un rappeur doit rester fidèle à lui-même, à son histoire. C'est cette honnêteté qui crée une connexion réelle avec le public.
Enfin, je suis très curieux de voir comment la nouvelle génération va influencer le rap français. Ils ont une approche différente de la musique, plus globale, plus connectée. C'est passionnant de voir comment ils vont façonner l'avenir.
Interview réalisé par Teo Comyn